À Strasbourg, Au Petit marché d’Alsace livre fruits et légumes… en barque

Écrit par sur juillet 9, 2018

Au Petit marché d’Alsace, fournisseur à Strasbourg de fruits et légumes auprès des restaurateurs et particuliers, livre ses clients… en barque : Christophe Moegling, gérant de la société, a fait le choix d’abandonner au moins partiellement sa camionnette pour un mode de transport plus doux et moins polluant.  

Il est 9 heures 30, un samedi matin, au pied de la tour Elithis, juste en-dessous du pont Winston Churchill. Sur la petite plateforme qui donne sur l’Ill, trois personnes, habitant les environs, s’approchent, un sac-cabas en main, comme venues faire leur marché. Elles se saluent, et se figent : elles attendent quelqu’un.

Un petit bruit de moteur se rapproche : une longue barque, d’une dizaine de mètres, chargée de cagettes colorées, se rapproche depuis le Port de plaisance, à quelques centaines de mètres de là : c’est Christophe Moegling, le gérant de la société strasbourgeoise Au petit marché d’Alsace, qui vient vendre ses fruits et légumes, collectés auprès de producteurs de la région.

Arrivé à hauteur de la plateforme, il fixe sa petite embarcation le long de la barrière. Les premiers clients s’approchent, font leurs emplettes, comme dans un marché classique – il faut simplement tendre un peu plus le bras, sous peine de voir ses haricots ou ses tomates couler à pic.

(Photo EB - Les Défricheurs)

La barque de Christophe, qui mesure 10 mètres de long sur 1,5 mètre de large, est propulsée par un petit moteur électrique… et la force des bras. (Photo EB – Les Défricheurs)

Dans sa barque à fond plat, achetée d’occasion en juillet 2017 auprès d’un particulier à Benfeld, Christophe Moegling propose une quinzaine de fruits et légumes différents : pommes de terre, carottes, aubergines, betteraves, abricots, groseilles, haricots verts, tomates-cerises… La majorité de ce que Christophe vend provient de producteurs locaux : les Jardins de la Montagne verte, la Ferme Hartmann à Bertheim, la Ferme Christen… Toujours en bio, précise-t-il.

Pas de produits « fragiles » cependant : en cette fin du mois de juin, même s’il n’est que 10 heures, les températures avoisinent déjà les 30 degrés. Christophe ne peut transporter les yaourts, charcuteries ou fromages qu’il propose habituellement lorsqu’il livre en camionnette ; à terme, il voudrait s’équiper d’une glacière, pour pouvoir transporter ces produits en barque, après commande préalable de ses clients.

Un mode de transport privilégié jusqu’au 19e siècle à Strasbourg

Dans sa petite barque (qui peut tout de même transporter jusqu’à 700 kg de marchandises…), Christophe explique avoir voulu, au moment de démarrer ses livraisons en barque en septembre, revenir à un mode de livraison plus doux :

Jusqu’à la fin du 19e siècle, le transport fluvial était très utilisé à Strasbourg. Malheureusement, on l’a un peu abandonné, au profit de la voiture. Aujourd’hui, cela fait sens de réinvestir les canaux de la ville : cela permet de désencombrer le centre-ville et de moins polluer. Et puis c’est plus sympa que la voiture !

Les consommateurs approuvent. Au pied de la tour Elithis, ce samedi, c’est près d’une dizaine de clients qui défilent pendant plus d’une heure.

(Photo EB - Les Défricheurs)

Au Petit marché d’Alsace a une marchandise à 50% composée de restaurateurs : parmi eux, Chez l’Oncle Freddy, La Particule, la winstub Chez Yvonne, ou encore la Brasserie Wow. (Photo EB – Les Défricheurs)

Dans la queue, nous reconnaissons Christiane, une locataire de la tour Elithis qui nous avait parlé de cette tour de logements à énergie positive. C’est déjà la troisième fois qu’elle vient s’approvisionner auprès de Christophe Moegling :

C’est pratique parce que c’est juste au pied de l’immeuble, et je le vois arriver depuis la fenêtre de mon bureau. Ça a quelque chose de romantique aussi, de revenir aux livraisons en barque…

Grégoire, un habitant du quartier, membre également du Collectif d’habitants de l’écoquartier Danube, indique avoir « fait un peu de pub » pour les livraisons en barque de Christophe, notamment en collant des affiches dans les halls d’immeubles du quartier. Mais c’est surtout le bouche-à-oreille qui a fonctionné – et la volonté des consommateurs du quartier de se tourner vers des fruits et légumes de qualité, explique Christophe :

Il y a aujourd’hui une vraie prise de conscience par les particuliers et les restaurateurs, pour les uns de consommer et les autres de proposer des produits frais et de saison, de bonne qualité, qui ont poussé près de chez eux. Les fruits et légumes que je vends aujourd’hui ont été cueillis hier… et le client voit la différence !

(Photo EB - Les Défricheurs)

Au Petit marché d’Alsace, la société dont Christophe Moegling est le gérant, a été créée en 2014 et emploie six personnes. (Photo EB – Les Défricheurs)

Pour naviguer au centre-ville, Christophe Moegling a dû demander une autorisation à VNF

Sur les canaux près de Rivétoile, aucune autorisation de navigation n’est nécessaire. Christophe a donc pu se lancer, sa barque achetée, dans la livraison de ses produits, sans autre formalité, dans cette partie de la ville du moins. A la Petite France (où il ne livre plus cet été en raison notamment des travaux d’aménagement des quais), la démarche a été un peu différente : il a du s’adresser à Voies Navigables de France (qui gère la circulation fluviale sur tous les canaux de Strasbourg), qui a validé son parcours. En cause : la proximité des bateaux de tourisme Batorama.

Au fil de la discussion, Christophe se dit légèrement inquiet du développement du tourisme fluvial sur les canaux de Strasbourg, notamment dans la Petite France, où il espère reprendre les livraisons au plus vite :

Les bateaux qui sont disponibles à la location sans permis ont des moteurs assez faibles, pas assez puissants pour les remous de certaines parties des canaux. Cela risque de provoquer des bouchons et de gêner la circulation de ma barque !

Pour lui qui s’est justement reporté sur le fluvial pour éviter les embouteillages dans les ruelles du centre-ville de Strasbourg… ça tombe un peu à l’eau.

(Photo EB - Les Défricheurs)

Au moment de repartir vers le Port de plaisance, la manœuvre de retournement se fait à la rame. (Photo EB – Les Défricheurs)

Il est 11 heures et demi. Il est temps pour Christophe de reprendre la mer – pardon, le canal. Prochaine étape : le Port de plaisance, 500 mètres plus loin, pour approvisionner la vingtaine de personnes qui y vivent à l’année. Il faut d’abord manœuvrer pour faire demi-tour, puis le petit moteur électrique prend le relais. Mais pas trop vite : l’intérêt de livrer ses clients en barque, c’est aussi de prendre le temps.